Vous lisez quoi en ce moment ?

Rappel du premier message :

J'ai fini Les pièges de l'exil de Philip Kerr - dernier volet paru de la série du héros Bernie Gunther, que l'on suit cette fois dans ces aventures sur la côte d'Azur
Policier parsemé de détails historiques. J'aime beaucoup. Et c'est assez agréable de se repérer géographiquement dans les lieux décrits.

Les tendres plaintes de Yoko Ogawa - on suit les aventures de Ruriko, jeune femme blessée par l'infidélité de son mari qui se réfugie dans le chalet familial pour y retrouver la paix. Ici pas de clichés, pas de voyeurisme, pas de drama inutile.
Comme toujours dans les romans d'Ogawa on y découvre un univers "original" (Ruriko est calligraphe, et un des personnage qu'elle rencontre est facteur de clavecins). Comme toujours aussi, la nature est très présente, c'est doux et sensuel et calme.
Je suis fan

De nom seulement. Si tu veux un splendide roman italien, il faut lire "L'amie prodigieuse", d'Elena Ferrante (3 tomes).

Ah oui Boris a beaucoup aimé ce roman.

Je vais le télécharger sur Kindle^^ avec Seul dans Berlin aussi que je veux lire (ne me tapez pas).

Sinon, Italo Calvino hein

En ce moment je relis Candide de Voltaire sur la Kindle.

Et aussi Le paradoxe du poisson rouge de Hesna Caillau - mais c'est une lecture en pointillés car il y'a beaucoup de notions. Le livre parle des 8 vertus pour réussir et en profite pour expliquer la manière de penser des Chinois en opposition aux Occidentaux.

Et j'ai lu hier Passion simple d'Annie Ernaux. Un témoignage sur sa passion pour un homme, qui se termine avec une jolie idée.

ah tu m'intrigues avec cette fin!!

Ici je lis les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, dans la super traduction de Tristram!

J'aimerais lire d'autres livres d'Annie Ernaux que je prendrais surement à la bibli (même si j'ai l'impression qu'ils sont pris d'assaut vu sa récente actualité  et je veux faire de même évidemment - je ne connais pas son œuvre) / à part une écoute de L’événement que j'avais écouté dans Samedi noir sans savoir que c’était d'elle et qui m'avait un peu choquée (et Boris m'a rappelé hier que c'était une adaptation à partir de son roman    du coup j'ai peur).

J'avais lu quasi tous les livres d'Ernaux il y a quelques années quand une première édition de ses œuvres complètes (ou en tout cas de pas mal de ses livres) était sortie chez Quarto je crois. 
De souvenir, je n'ai pas aimé spécialement, mais d'un autre côté je me souviens avoir été plutôt prise par ma lecture (je sais c'est paradoxal). Ce qui lui a valu le Nobel, c'est surtout les Années, que je te conseille en effet, pour te faire une idée. Mais à lire aussi la Femme gelée, pour sa peinture de la condition féminine.
L'Evénement c'est hyper glauque en effet: et c'est probablement ce qui me gêne chez Ernaux: sa peinture sans aucune concession et avec une énorme crudité de la condition des femmes. J'avais eu le même malaise devant certaines scènes de Fleabag avec Phoebe Waller-Bridge (

spoiler:

 
Mais quelque part, oui être une femme ça a aussi signifié se faire cureter sur une table de cuisine, et ça signifie encore parfois expulser un fœtus aux chiottes après une IVG. Alors je dirais que malgré toutes mes réserves et le malaise que la lecture d'Ernaux m'a parfois inspiré, c'est une chose symbolique de voir ces romans couronnés par le Nobel!

(oups sorry pavé)

Oui c'est un peu la triste réalité. Elle dit dans passion simple, j'écris parce que si ça m'est arrivé à moi ça a dû arriver aux autres, et au moins ils se sentent moins seuls en le lisant. C'est pas un roman passionnant en soi.
Et c'est peut être ça la vertu du livre - je vais partager ce point avec Boris qui n'arrête pas de me dire qu'il veut écrire un livre et il ne sait pas par ou commencer et si ça va intéresser .. et je lui dis toujours écris le, et écris le déjà pour toi.

Les années c'est sur ma liste

Oui je ne pense pas qu'on écrit pour intéresser les autres: je pense qu'on écrit parce que c'est une nécessité pour nous. Après, si ça parle à d'autres, tant mieux!

Oui c'est ça.

Je ne sais pas si c'est toujours ça. Une amie artiste m'a dit un jour qu'elle faisait ce qu'elle faisait car elle sentait la nécessité impérieuse de porter un message aux autres, de dire ce que personne ne dit et qui doit cependant l'être (je précise qu'elle n'exprime pas du tout ça vaniteusement). Sans réception, son boulot n'aurait sans doute pas grand sens (mais pas pour des raisons narcissiques). Après, elle n'écrit pas, elle fait du cinéma. Et elle a un rapport différent à l'art : à l'entendre, elle ne sort pas qqch d'elle-même ou ce genre de trucs, elle montre qqch qui existe indépendamment d'elle. Elle est le projecteur...

Oui je suppose que ça peut être différent selon les personnes.

Sinon je suis très fan d'Annie Ernaux pour ma part. Je n'éprouve pas d'impression de glauque en la lisant. J'ai lu L'Événement peu après mon IVG à 22 ans, et je me suis sentie très proche d'elle (c'est bien son talent de parler d'une époque bien précise et différente et d'un vécu individuel en même temps que d'une expérience universelle). Cette curiosité devant le corps de son fœtus, quand elle le tient dans sa main (j'ai avorté "tard" aussi, au stade fœtal), cette fascination et ce sentiment d'avoir atteint une limite inédite et vécu une expérience totalement singulière, en dehors de tout et presque fièrement, c'est ce qui m'a le plus marquée en la lisant, plus que la description de la très risquée technique de la sonde (que je n'ai pas trouvée dure à lire non plus, l'écriture d'Ernaux est tellement posée, factuelle, je trouve). Pour l'avortement, il n'y a plus la clandestinité ni les risques de mort, enfin en France dans les conditions actuelles, mais il y a qqch dans cet acte qui ne peut pas changer. Notamment, on aura beau faire semblant qu'il n'y a pas de corps en aspirant les fœtus sous AG, à ce stade ils ne sont ni des fictions ni des œufs. Ça m'a passionnée de "voir" le fœtus en lisant le texte, et même soulagée : "c'était donc ça !". Peut-être que je trouve cette vision moins glauque, quelque part, que le blanc (noir ?) total de l'anesthésie générale, et les scènes crues du livre font magnifiquement passer la fascination, l'ambivalence et la transgression, la nature même de l'acte. Pour moi elles ne sont pas crues, elles sont seulement réelles et indispensables.

J'aime aussi beaucoup Annie Ernaux, enfin ce que j'en ai lu, trois ou quatre romans. Nous avons parlé de l'Evènement à mon club de lecture, les débats sur les scènes de l'IVG ont été vifs (l'un des participants nous a fait bien rire en nous racontant qu'il avait lu la scène dans le métro, et qu'elle l'avait marqué physiquement, il avait cru vomir !) C'est pour moi un signe de bonne littérature, elle ne laisse pas indifférent, elle met parfois même des coups dans l'estomac ! 

Pour les fêtes j'ai emprunté les deux gros tomes des Rois Maudits (il me reste 150 pages à lire du 2e) et je me suis régalée, c'est passionnant, vivant, bien écrit, avec quelques libertés avec l'histoire, forcément, mais cela passe bien.

J'adore les rois maudits !

Moi je suis en train de lire Jérusalem de Gonçalo Tavares. C’est marrant parce que le libraire qui me l’a conseillé m’avais dit que ça parlait d’un mathématicien qui cherchait la formule contre la douleur et en fait c’est un médecin qui cherche la formule de l’horreur. C’est peut être un genre lost in translation car c’était un portugais à qui j’ai parlé en anglais et qui m’a répondu en français

ah oui parce que douleur et horreur c'est pas la même chose ...

Guessemma a écrit:

Sinon je suis très fan d'Annie Ernaux pour ma part. Je n'éprouve pas d'impression de glauque en la lisant. J'ai lu L'Événement peu après mon IVG à 22 ans, et je me suis sentie très proche d'elle (c'est bien son talent de parler d'une époque bien précise et différente et d'un vécu individuel en même temps que d'une expérience universelle). Cette curiosité devant le corps de son fœtus, quand elle le tient dans sa main (j'ai avorté "tard" aussi, au stade fœtal), cette fascination et ce sentiment d'avoir atteint une limite inédite et vécu une expérience totalement singulière, en dehors de tout et presque fièrement, c'est ce qui m'a le plus marquée en la lisant, plus que la description de la très risquée technique de la sonde (que je n'ai pas trouvée dure à lire non plus, l'écriture d'Ernaux est tellement posée, factuelle, je trouve). Pour l'avortement, il n'y a plus la clandestinité ni les risques de mort, enfin en France dans les conditions actuelles, mais il y a qqch dans cet acte qui ne peut pas changer. Notamment, on aura beau faire semblant qu'il n'y a pas de corps en aspirant les fœtus sous AG, à ce stade ils ne sont ni des fictions ni des œufs. Ça m'a passionnée de "voir" le fœtus en lisant le texte, et même soulagée : "c'était donc ça !". Peut-être que je trouve cette vision moins glauque, quelque part, que le blanc (noir ?) total de l'anesthésie générale, et les scènes crues du livre font magnifiquement passer la fascination, l'ambivalence et la transgression, la nature même de l'acte. Pour moi elles ne sont pas crues, elles sont seulement réelles et indispensables.

C'est très intéressant de te lire Guess, comme d'habitude. Et tu as raison d'ailleurs pour ce livre: il est impossible de faire passer de façon romantique ce type d'événement et ce qu'il provoque.
Quand je parlais de glauque, je faisais référence au fait qu'Ernaux a une écriture très dépouillée, et montre des scènes crues. On est loin des sagas romancées Mais la condition féminine et la condition humaine tout court n'est pas toujours poétique. Et d'ailleurs on a reproché à des auteurs aujourd'hui classiques d'être trop crus (pensons à Zola, Baudelaire, etc)